Près de dix ans après le Décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010 réformant les règles de tarification des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles, la Cour des comptes fait l’amer constat que le système de tarification des AT-MP ne remplit pas vraiment sa mission de prévention des risques professionnels.
Dans son rapport annuel sur l’application des Lois de financement de la sécurité sociale publié le 4 octobre dernier, elle préconise toute une série de mesures correctives.
En voici quelques-unes :
Tarifer les AT-MP au niveau de l’entreprise
A l’instar de ce qui est pratiqué pour les entreprises relevant du BTP ou celles situées en Alsace-Moselle, elle recommande d’appliquer un taux de cotisation par activité (code risque) à l’échelle de l’entreprise et non plus de l’établissement.
Les sages proposent ainsi d’imposer ce qui n’est aujourd’hui qu’une simple option.
En effet, le Décret de 2010 laisse la possibilité aux entreprises d’opter pour un taux unique pour l’ensemble de leur établissement appartenant à la même catégorie de risque. Il est vrai que cette option, irréversible, n’a eu que peu de succès. Seules 3 500 entreprises ont fait ce choix.
Si cette mesure a le mérite de centraliser la gestion administrative des AT-MP, elle pourrait également décourager voire déresponsabiliser certains chefs d’établissements qui verraient leurs efforts de prévention non récompensés du fait des sinistres survenus dans d’autres établissements de la même entreprise.
Sanctionner les entreprises à forte sinistralité
Il est également envisagé de majorer les taux des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée par rapport aux entreprises du même secteur d’activité sur une période à définir et de surpondérer les coûts moyens pour les catégories d’accidents les plus fréquents dans les entreprise soumises à un régime de tarification mixte ou individuelle.
En raison de l’inefficacité de ce dispositif, les CARSAT ne pourraient plus, par ailleurs, accorder de ristournes sur les taux de cotisation lorsque l’entreprise a pris des mesures spécifiques de nature à réduire ses accidents du travail ou de trajet.
En revanche, la possibilité d’appliquer des cotisations supplémentaires aux entreprises n’ayant pas pris les mesures de prévention nécessaires, après injonction préalable des services de prévention serait renforcée.
Responsabiliser les entreprises ayant recours à l’intérim et à la sous-traitance
Les entreprises utilisatrices, pourtant responsables des conditions d’exécution de la mission du salarié intérimaire mis à leur disposition, n’assument qu’une partie du coût de l’accident dont il peut être la victime.
Depuis le Décret n° 92-558 du 25 juin 1992 relatif à la répartition du coût des accidents du travail et des maladies professionnelles entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices, ces dernières assument en effet automatiquement un tiers du coût de l’accident lorsqu’il a généré au moins 10% d’incapacité.
C’est insuffisant pour la Cour des comptes qui propose qu’elles en assument la moitié.
Cette mesure pourrait être étendue aux entreprises faisant appel à la sous-traitance lorsque le sous-traitant travaille sur le site du donneur d’ordre.
Limiter et parfois supprimer les mécanismes dérogatoires aux règles générales de tarification
Pour la Cour des comptes, les nombreuses règles dérogatoires profiteraient aux entreprises de plus de 20 salariés pourtant censées assumer pleinement le coût de leurs accidents et maladies.
En effet, en 2016, seules les petites entreprises soumises au régime de tarification collective auraient procuré plus de cotisations qu’elles n’auraient généré de dépenses.
Pour y remédier, il est notamment proposé de : modifier les modalités de prise en compte des taux d’IPP supérieurs à 10% dans le BTP ; supprimer l’application de taux collectifs pour certaines catégories de risque indépendamment de l’effectif de l’entreprise ; remplacer le taux bureau (déjà supprimé pour les entreprises soumises au taux individuel) par un abattement forfaitaire sur les cotisations tenant compte du nombre de personnes affectées à des fonctions support ; supprimer les abattements de 10% et de 20 % des coûts moyens applicables à certains secteurs d’activités comme le nettoyage industriel, la restauration rapide… ; supprimer le régime spécifique de l’Alsace-Moselle
Vers un compte spécial par domaine d’activité ?
Il est proposé que les dépenses liées aux maladies professionnelles imputées au compte spécial soient mutualisées par groupe d’activité (CTN) et non plus de façon interprofessionnelle. L’objectif est clair : favoriser la recherche de meilleures pratiques dans les domaines les plus concernés et réduire le report de charges vers les entreprises moins accidentogènes.
Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES
Avocat associé
