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Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée ?

La santé au travail semble bercer les rentrées parlementaire et gouvernementale de 2018, abreuvés de multiples rapports sur le sujet et augurant des réformes à venir. En effet, au rapport de l’Assemblée Nationale relatif aux maladies professionnelles et au rapport FRIMAT sur la prévention des risques chimiques, est venu s’ajouter celui du 28 août 2018, rédigé sous l’égide de Charlotte Lecocq, députée LREM, Bruno Dupuis, consultant senior en management et Henri Forest, ancien secrétaire confédéral CFDT et consacré à la « santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » qui propose une totale refondation du système.

Sollicité par le Premier ministre en janvier dernier, ce rapport nourrit l’ambition de favoriser l’émergence, au sein des entreprises, d’une démarche de performance globale centrée tout à la fois sur la recherche de productivité et de performance économique et sur l’objectif de prévention des risques et de bien-être au travail et ce, en partant du postulat que la qualité de vie au travail augmente la performance économique de l’entreprise. Il s’inscrit ainsi dans la continuité des dernières réformes ayant touché le droit du travail sous la présidence Macron.

Formulant une série de 16 recommandations à l’appui de ce scénario, les auteurs proposent toute une série de mesures structurelles qui ont pour trait commun la recherche de lisibilité, de simplicité et d’efficacité du système.

Tout d’abord, le constat est posé d’un système complexe, peu lisible mobilisant un grand nombre d’acteurs dont les compétences font souvent doublon et interfèrent entre elles. C’est la raison pour laquelle la première idée développée consiste en l’unification des acteurs de la prévention en matière de santé au travail pour l’accompagnement des entreprises.

Plus concrètement, cette unification prendrait corps à travers la création de structures régionales dédiées à la prévention qui regrouperaient les services de santé au travail interentreprises (SSTI), ainsi que les compétences des agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT), les agents des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) affectés aux actions relevant de la prévention et de l’appui technique et les compétences des agences régionales de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP). Structures de droit privé, ces ʺguichets uniquesʺ se veulent être l’interlocuteur privilégié des entreprises en matière de conseil en prévention. Cette fusion de nombreux acteurs au sein d’une interface de proximité n’a pas pour autant vocation à bouleverser les compétences et les métiers existant actuellement, mais à les inscrire dans un cadre homogène et unifié plus facile d’accès pour les employeurs et les salariés, avec une offre de service identifiée.

Celle-ci inclurait le suivi individuel obligatoire de l’état de santé des travailleurs, un accompagnement pluridisciplinaire en prévention des risques et de promotion de la santé au travail, une aide au maintien dans l’emploi, l’accès à un centre de ressources diffusant des outils et guides et partageant les bonnes pratiques, une formation des acteurs de l’entreprise en matière de prévention ou encore l’orientation des entreprises vers un intervenant externe habilité.

Ces structures régionales concentreraient, dès lors, leurs efforts sur l’accompagnement des entreprises (surtout les TPE et les PME) dans la mise en place de leur politique de prévention mais ne s’occuperaient pas de la moindre fonction de contrôle.

Le rapport préconise parallèlement un recentrage des missions dévolues aux CARSAT et aux DIRRECTE, les premières assurant les fonctions de réparation et de tarification, les secondes s’attachant à la fonction de contrôle de la conformité au droit.

Par ailleurs, à l’échelon national, les auteurs du rapport regrettent le fait que la politique de santé au travail ne soit pas suffisamment portée politiquement. C’est la raison pour laquelle ils suggèrent que celle-ci prenne la forme d’un ʺPlan Santé Travailʺ qui définisse la stratégie nationale de santé et soit inscrite annuellement dans la loi et, tirant les enseignements des défaillances du système à endiguer les problématiques de santé publique (telles que l’amiante), ils sont partisans du développement d’actions ciblées.

De même, s’agissant du développement de l’expertise en matière d’ingénierie de la prévention, le rapport propose la mise en place d’une structure nationale nommée « France santé au Travail », organisme public placé sous la tutelle des ministères du travail, de la santé et des affaires sociales, qui regrouperait l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et l’OPPBTP. Cette fusion à l’échelon national permettrait, selon les auteurs, un déploiement homogène sur tout le territoire, par le relais des structures régionales précitées, d’outils opérationnels à destination des entreprises tout en évitant les redondances rencontrées dans les écrits de ces différents organismes.

Par ailleurs, il est préconisé de simplifier les obligations des entreprises en ne rendant obligatoire qu’un seul document en matière de prévention des risques professionnels, le ʺPlan de Prévention », au sein duquel seraient intégrés les éléments d’évaluation des risques se substituant ainsi au document unique d’évaluation des risques (DUER), perçu dans sa version actuelle, comme une simple contrainte administrative. Le rapport prévoit encore la possibilité de déroger à certaines obligations issues du Code du Travail par la mise en place d’une politique de prévention propre à l’entreprise offrant une sécurité équivalente. Certains décrets intéressant la santé au travail ne trouveraient dès lors à s’appliquer qu’à titre supplétif.

Enfin, le rapport recommande de créer une cotisation unique dédiée à la santé au travail directement recouvrée par les URSSAF qui regrouperait la participation de la brance AT-MP, les contributions financières des entreprises pour les structures régionales de prévention et celle concernant l’OPPBTP pour les entreprises qui en relèvent. Le montant serait modulé selon le risque spécifique de l’entreprise ou de son engagement en matière de prévention. Et le système de prévention ici présenté serait également ouvert aux travailleurs indépendants et non plus aux seuls salariés

Eu égard à la révolution que ce rapport invite à initier dans la gouvernance de la santé au travail, les prochaines négociations interprofessionnelles ne manqueront pas d’être stimulantes et passionnées.

 

Farouk BENOUNICHE

Avocat à la Cour